À quoi devrait ressembler le café de spécialité de demain ?

Sourcing & caféiculture

À quoi devrait ressembler le café de spécialité de demain ?

| 2022-10-04

Fermentations, variétés susceptibles de donner les tasses les plus exquises, 88, 89, 90+… Les dégustateurs maniant leurs cuillères comme des Jedi leurs sabres laser. Le café de spécialité pourrait bien être confronté à sa première crise : celle de la stagnation.

À quoi devrait ressembler le café de spécialité de demain ?

Répondre à cette question est, je crois, de notre responsabilité en tant que professionnels du café.

Chez Belco, nous travaillons depuis longtemps à répondre à cette question via un concept de qualité globale dans lequel nous avons foi : la qualité intégrale.

Je me souviendrai toujours de la fois où j'ai goûté des cafés qui avaient remporté le la cup of excellence et où un ami producteur au Brésil m'a dit : « Je ne vais pas les goûter parce que je ne suis pas sûr qu’ils soient propres. » « Mais ils ont gagné la cup of excellence, comment pourraient-ils ne pas l’être ? » lui ai-je rétorqué, « Sais-tu comment ils ont été produits ? » m'a-t-il demandé. Et quand j'ai répondu que non, il a dit : « Alors tu ne peux pas savoir s'ils sont propres. »

Le concept de café de spécialité a été fondé sur les principes de la qualité de la tasse, de la traçabilité et de la rémunération du producteur. C'est une bonne chose et c'est louable, mais aujourd’hui, ce n'est peut-être plus suffisant. L'avenir du café de spécialité doit aussi pouvoir s'intéresser au café avant sa récolte, à la plante et à ce que nous en faisons, à son impact et à sa relation avec l'environnement dans lequel il est cultivé.

Durable pour qui, durable pour quoi ?

Dans l'industrie du café, la durabilité est considérée comme la rentabilité du producteur et se résume en termes de productivité (quantité de café produite), ce qui est vrai, mais pas seulement. La durabilité doit pouvoir assurer l'avenir de la culture du café et des communautés qui la développent, ce qui est possible si le niveau économique est positif pour les producteurs, mais la durabilité de ces communautés ne sera atteinte que si le niveau environnemental le permet. Si l’on pense produire comme s'il n'y avait pas de lendemain risque de nous laisser… sans lendemain.

Lorsque Belco a commencé à sourcer du café, nous faisions deux fois moins de volume qu'aujourd'hui et nous avions seulement 2 % de nos cafés certifiés biologiques. Aucun n’obtenaient 80 points et ils étaient produits exclusivement par de petits producteurs dans des communautés assez isolées. Ces producteurs ont pu se spécialiser peu à peu pour atteindre les qualités que nous connaissons aujourd'hui. Certains producteurs qui possèdent des exploitations plus grandes avec des unités de transformation plus modernes et des producteurs qui étaient autrefois étrangers à la bio ont surfé sur la vague verte. Aujourd’hui, près de 25 % des cafés que nous importons sont certifiés biologiques (certains même biodynamiques), et tous atteignent une note de tasse de 80+.

 

Accompagner une transition en douceur à l’origine

Le chemin est semé d’embûches, et sa complexité dépend aussi de l'endroit où les cafés sont produits. Les défis auxquels chaque producteur est confronté ne sont pas les mêmes, même s'ils sont probablement tout aussi importants les uns que les autres. En Éthiopie, par exemple, le défi n'est pas de limiter l'utilisation de produits chimiques, car ceux-ci ne sont tout simplement pas employés, mais d'atteindre une productivité importante selon les principes de l'agriculture biologique. Au Salvador, comme dans d'autres pays d'Amérique centrale, le défi consistera à maintenir la productivité tout en renonçant à l'utilisation de ces produits chimiques, qui sont par ailleurs très présents. C'est pourquoi la transition écologique doit être accompagnée et non brutale, et que nous avons initié des projets zéro résidu de pesticides et d'agroforesterie avec certains de nos fournisseurs, afin d'atténuer le stress que peuvent subir les exploitations avant de s'engager dans des processus de certification biologique (si les producteurs le souhaitent).

 

Des actes d’achat ou de consommation qui changent la donne

L'adaptabilité de la consommation est également très importante. Pendant des décennies, le café lavé a été considéré comme synonyme de qualité, et il et continue à l'être. Si l'approvisionnement en eau de la région est suffisant, ce n'est pas un problème. Mais dans certaines régions d'Afrique, comme au Kenya par exemple, où les réserves d'eau ne sont pas les plus abondantes, la demande de café lavé fait qu’elles sont sollicitées à l’excès. « Si j'avais de l'eau, je cultiverais du café », m'a dit un jour une personne qui marchait 3 km par jour pour aller chercher de l'eau pour les besoins de sa famille. C’est donc dans ce pays que nous avons lancé le projet « Hands on Coffee » pour développer des cafés nature au Kenya, dans le but de pouvoir obtenir des tasses de qualité égale ou supérieure à celle des cafés lavés. Et si l'eau est une ressource importante, il ne faut pas non plus oublier la pollution que le process lavé peut générer. La production de CO2 sera plus élevée, et dans certains endroits, l'eau issue de la production de café honey, c'est-à-dire l'eau pleine de mucilage générée lors du traitement, n'est pas traitée correctement et finit dans les rivières avoisinantes. La combinaison de ces deux éléments nous a conduit à lancer un projet visant à développer des cafés nature en volumes constants en Colombie et au Pérou. Il est intéressant de noter qu'au Pérou, au cours de ce projet, certains producteurs ont commencé à remettre en question le fait de produire des cafés lavés en raison de l'effort que génèrent les dépulpeurs manuels par rapport à la préparation du café nature, et notre exportateur partenaire a fait remarquer qu'il n'y avait jamais prêté attention, mais que dans une région du pays où l’on produit traditionnellement du café nature, il semble y avoir moins de problèmes d'arthrite chez les producteurs de café. Le triptyque vertueux de la qualité sensorielle, environnementale et sociétale peut facilement être couronné par l'incitation économique qui peut accompagner de tels efforts.

La question du carbone est très à la mode, et pourtant dans le café, des organisations comme « Envol Vert » nous alertent, si au début de son expansion dans le monde un tiers du café produit était exposé au soleil et deux tiers à l'ombre, la tendance semble s'être inversée et près des deux tiers (avec une surface cultivée beaucoup plus importante) poussent sans qu'il y ait autour le moindre arbre capable d'abriter un nid d’oiseau.

 

« Consommer plus de café cultivé à l'ombre ne devrait pas seulement être logique, mais une affaire de torréfacteurs et de consommateurs militants (plutôt qu'engagés). »

 

La question du prix

Le prix FOB a longtemps servi de base à la transparence, ce qui était le cas au début, mais s’avère aujourd’hui dépassé. Bien que cela soit un facteur, nous devons comprendre et être capables de travailler davantage sur le contexte global de la question des prix. Depuis quelques années, nous avons commencé à analyser en détail les coûts de production des producteurs avec lesquels nous travaillons. Il s'agit principalement de petits et de moyens producteurs, sans exclure les grands, bien entendu. Les résultats que nous avons obtenus sont extrêmement intéressants et suscitent encore plus de questions. Pour vous donner un petit exemple : au Guatemala et au Nicaragua, nous avons constaté que les coûts de production peuvent se situer entre 180 et 400 cents de dollar américain par livre. Ces chiffres sont inversement proportionnels à la taille des exploitations : plus l'exploitation est petite, plus le coût de production est élevé. Même si cela ne justifie rien, cela explique pourquoi de nombreux petits producteurs quand le marché a doublé se sont lancés dans d'autres chaînes qui les marginalisaient auparavant, malgré le fait que, pendant longtemps, des entreprises comme la nôtre et celles de nos clients ont payé jusqu'à deux fois le - faible - prix du marché pour leurs cafés. C'est là que se posent un certain nombre de questions : quelle sera la limite de la productivité ? Si cette limite est dépassée, qui sera prêt à verser des subventions et pour quelles raisons ?

 

Full Farm Profitability & rentabilité totale

Le fait de pouvoir acheter jusqu'à 90% du café d’un producteur a également été une autre réponse à nos questions sur la rentabilité des producteurs. Grâce au projet de rentabilité totale de l'exploitation (Full Farm Profitability) de notre partenaire FAF, nous avons pu obtenir de nos producteurs brésiliens jusqu'à 5 ou 6 qualités de café, toutes ayant une tasse supérieure à 80 points et donc facilement exportables. Le rendement et la façon de l’accroître ont un impact économique positif sur le producteur, car nous pouvons faire entrer dans les torréfactions européennes, avec un différentiel positif, des cafés qui, auparavant, n'étaient vendus que localement. Chaque prix FOB n'a de sens que si on en fait la moyenne et qu'on compare celle-ci aux moyennes précédentes, où le mélange comprenait plus de café vendu localement, et désormais exporté.

 

Vers une nouvelle définition du café de spécialité ?

En résumé, chez Belco, nous ne pensons pas que le café de spécialité doive être évalué uniquement sur la base des critères le catégorisant « de spécialité ». Il devrait être impératif de chercher à satisfaire les niveaux qualitatif, économique, environnemental et sociétal afin de qualifier ce café de café de spécialité. Un café qui apporte, en somme, quelque chose de spécial. Ce sont ces indicateurs qui devraient nous assurer que notre action génère un impact positif, si tel est le but ultime de notre développement et de notre prochain achat.

Chaque jour, il nous faut avancer, et chercher à analyser davantage notre secteur afin d'assurer son avenir. Le café est un produit tellement complexe qu'il ne serait incontestablement pas logique de le simplifier. Il est possible qu'il y ait aujourd'hui une crise du café de spécialité, mais c'est à partir de cette crise que nous pourrons peut-être ouvrir la voie du café de spécialité du futur, un café durable à tous points de vue (ou de goût).

 

 

 

 

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