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Cacao11 March 2024

Le grand retour du cacao du Salvador

Au milieu des volcans, des tempêtes et des conflits, le cacao salvadorien fait son grand come-back.

Petite histoire du cacao au Salvador

Le cacao et le chocolat font partie intégrante de l’histoire du Salvador et remontent à ses débuts. Déjà présents dans la mythologie maya à l'époque préhispanique, le cacao n'était pas seulement consommé, il était domestiqué.
Il y a 3000 ans, le cacao était utilisé dans la préparation de boissons consommées lors de rites traditionnels mais il servait également de monnaie d'échange. Ce fait historique renforce l'importance du cacao dans la culture salvadorienne.

Le Salvador n’a jamais été une référence pour la production de masse, sa taille et sa géographie ayant rendu les hauts plateaux des volcans plus propices à d'autres cultures, comme celle du café. Il est l'un des plus petits pays des Amériques avec seulement 21 041 km² de superficie, mais il est sans aucun doute une origine à prendre sérieusement en compte lorsqu'on s’intéresse à l'avenir du cacao de spécialité.

En 1575 les archives historiques indiquent que 1420 tonnes de cacao ont été exportées du Salvador vers le Mexique et ensuite du Mexique vers l’Espagne. Même si les projections actuelles se concrétisent, il faudra plusieurs années pour retrouver le volume du passé.

En 2022 selon le ministère de l'Agriculture salvadorien, la production de cacao se concentre principalement sur deux régions : Sonsonate et Usulután. Cependant, toute la zone côtière pacifique possède un fort potentiel et les cultures du cacao s'y développent à nouveau malgré des éléments adverses comme le changement climatique et parfois des situations sociales complexes.

L'eau, ressource indispensable

Alors que l'Amérique Centrale est l’une des régions les plus abondantes en eau dans le monde (avec 23 000 m3 par habitant/an) elle fait face à des problèmes de disponibilité et de qualité d’eau. Il est donc primordial de protéger les zones de recharge hydrique situées le plus souvent dans les parties hautes des volcans. Les plateaux de basse altitude sont quant à eux consacrés à l’agriculture conventionnelle, comme la monoculture de canne à sucre, l’élevage ainsi qu’au développement constant des zones urbaines, qui constituent elles aussi un des principaux vecteurs de stress hydrique.
Le cacao nécessite beaucoup d'humidité et peut donc avoir recours aux systèmes d’irrigation pendant les saisons sèches (c'est à dire 6 mois par an au Salvador).

La culture en agroforesterie offre un large éventail d’avantages environnementaux. Elle garantit par exemple la fertilité des sols, elle protège les cultures du vent et du soleil, elle restaure les terres dégradées et améliore la conservation de l'eau.

Le cacao que nous sourçons participe à la protection de la biodiversité et des sources d’eau grâce aux systèmes agroforestiers dans lesquels il est produit.

— César Magaña, Directeur Sourcing Cacao

Ici à Morazàn, on note bien la différence (surtout pendant la saison des pluies) entre le vert trompeur de la culture de la canne à sucre et des pâturages du bétail qui contraste avec la luxuriance des forêts tropicales qui offrent des conditions idéales pour la culture du cacao.

Selon "Alianza Cacao" (une ONG qui soutient les cacaoculteurs en leur fournissant un accompagnement professionnel en matière de production et de commercialisation), le Salvador a produit environ 200 tonnes de cacao en 2020, puis 500 tonnes en 2021. A la fin de 2022, la production est estimée à 900 tonnes de cacao sec et à 1 500 tonnes en 2024. 

Cette évolution vise à répondre à la demande croissante du marché local et ces prévisions d'augmentation de la production correspondent, premièrement à une bonne gestion des exploitations et deuxièmement, à l'âge productif auquel les cultures les plus jeunes arrivent.

Il faut tout de même rester prudent avec ces prévisions car l'accessibilité des prix du cacao importé restera un paramètre que les cacaoculteurs salvadoriens doivent prendre en compte dans leurs finances.

Une forte dépendance au cacao nicaraguayen

Pour satisfaire sa demande intérieure d’environ 1 200 tonnes par an, le Salvador doit compter sur les productions du Nicaragua et du Honduras pour lui fournir des fèves destinées à la fabrication de "tablillas". On estime que 80% du cacao consommé au Salvador provient du Nicaragua.

Les tablillas sont des galettes de chocolat composées à 70% de sucre, 29% de cacao et 1% d'épices telles que la cannelle, le clou de girofle ou le poivre vert. Elles sont ensuite diluées dans de l’eau pour devenir une boisson gourmande dont raffolent les Salvadoriens.

Grâce aux subventions, à des prêts bonifiés, et disons-le, à des salaires agricoles plus bas, produire du cacao au Nicaragua coûte globalement moins cher.

La consommation de cacao nicaraguayen est tellement importante au Salvador qu'elle affecte à la fois le marché et la qualité, elle pousse les producteurs locaux à s'adapter.

Il y a très peu de contrôle qualité sur le cacao nicaraguayen qui entre dans les usines de fabrication des tablillas, faites au Salvador. Par exemple, retournons dans une finca. Après la récolte sélective des cabosses, l'un des paramètres post-récolte les plus importants pour garantir la qualité d'un cacao est la fermentation de la fève. Ce process complexe dure environ 6 jours pendant lesquels les fèves fermentent dans des caisses en bois. Cette étape est indispensable pour que le cacao puisse développer ses arômes et réduire son astringence.

Le taux de fermentation dépasse rarement les 40% alors que pour du cacao de spécialité, les protocoles requièrent au minimum 70%.

Le "baba": une pulpe blanche, visqueuse et cotonneuse qui enrobe les graines et joue un rôle majeur dans la fermentation.

Les agriculteurs salvadoriens qui travaillent depuis plus de 8 ans dans la cacaoculture, s'efforcent de mettre en œuvre des process de fermentation et de séchage précis et rigoureux afin de découvrir la complexité des profils sensoriels. Pour ces fermiers, le marché national est de plus en plus limité et l’exportation devient donc un nouveau débouché.

La production de cacao au Nicaragua est également influencée par les chocolatiers européens. Ritter Sport est l’un des plus grands chocolatiers allemands et l’Allemagne avec 430 000 tonnes de cacao par an, est le second pays importateur de cacao en Europe, juste derrière les Pays-Bas. Ritter exerce une influence tellement forte dans la filière cacao au Nicaragua que c’est elle qui pilote les prix payés aux producteurs et ce prix payé est utilisé comme prix de référence par les exportateurs de cacao de spécialité qui se basent sur le prix payé par Ritter en baba (cacao non fermenté, dans son mucilage) pour déterminer leurs prix. On entend même parler du prix “Ritter+…” comme différentiel pour valoriser un cacao de qualité supérieure.

Une grande partie du cacao de moins bonne qualité est destinée au marché local et au marché salvadorien très demandeur.

Le cacao transite vers le Salvador via des intermédiaires, généralement opportunistes ils sont appelés "acarreadores" sur les marchés locaux. Ce nom fait référence à une espèce de coyotes. Les acarreadores vendent le cacao en direct aux fabricants de tablillas. Certains consomment jusqu'à 15 tonnes par mois dans le but de produire du chocolat à un prix abordable, destiné à la grande majorité de la population salvadorienne qui vit avec le salaire minimum et dans une réalité économique compliquée.

BELCO & les artisans salvadoriens

Grâce aux actions d’Alianza Cacao et au nombre croissant d’artisans Bean-to-bar au Salvador, un groupe de producteurs a commencé à adopter des pratiques plus exigeantes dans la production de cacaos fins.

Pour Belco, ces nouvelles pratiques constituent un point de référence en matière de qualité, car nous partageons la vision et les exigences de ces producteurs.

En Europe, Belco travaille avec des acteurs qui veulent faire partie intégrante du processus de sourcing, généralement des artisans chocolatiers qui souhaitent valoriser la filière, connaître l’impact de leurs achats, participer à un cycle vertueux de rémunération des producteurs et soutenir des pratiques de production répondant aux enjeux de préservation de la biodiversité.

Ce sont des aspects fondamentaux de notre approche sourcing.

Un exemple de rigueur dans le process de séchage dans la ferme d’Elmer Martinez à Morazàn, au Nord-Ouest du Salvador. Les fèves sont retournées toutes les demi-heures pour que le séchage soit homogène.

Il y a quelques années, lorsque nous avons commencé notre relation avec les producteurs, nous avons partagé notre quête de qualité. Nous savions qu'il y aurait un temps d'adaptation et un besoin de suivi pour de l’amélioration continue.  Nous devons construire et développer ensemble, producteurs et sourceur.

Nous avons réussi à embarquer avec nous ces producteurs et avons créé un cahier des charges précis couplé à de nombreuses analyses (résidus chimiques, métaux lourds, taux d’humidité, moisissure, fermentation, défauts physiques), mais également des exigences de conditionnement irréprochable pour l’exportation des fèves. Bien sûr, ces critères rendent la production de cacao plus complexe, nous en sommes conscients et c’est pour cela que nos prix d’achat reflètent ce travail. Nous payons 3 fois plus chers ces cacaos que les cacaos dits « lavés » c’est-à-dire à faible ou sans fermentation qui coutent environ 1,30€/kg au Nicaragua, au Honduras ou même au Salvador.

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Il est clair qu’il y a bien plus de cacaoculteurs qui produisent par passion que pour des raisons économiques. Ces producteurs trouvent en Belco un allié pour accéder à de nouveaux marchés dépassant les frontières du Salvador.

Notre objectif pour 2023 est de sourcer 25 tonnes de cacao de spécialité salvadorien, en développant parallèlement notre sourcing en Colombie et progressivement vers de nouvelles origines.

Belco croit en l'économie sociale, nous nous efforçons d'ouvrir le marché européen aux producteurs salvadoriens, ce qui aura pour effet d'ouvrir des options plus durables pour leur modèle économique, de valoriser leur qualité et de faire en sorte que les efforts déployés pour garantir des profils sensoriels particuliers soient appréciés par les chocolatiers et les consommateurs.

— César Magaña, Directeur Sourcing Cacao

Grâce à des relations de long terme, le bénéfice ne sera pas seulement pour les producteurs mais aussi pour leurs communautés voisines en impliquant les femmes et les jeunes qui participent aux récoltes, mais aussi tout au long de l'année.

Payer un cacao à un prix juste et non à un prix boursier le rend attractif et motive l'expansion des zones de culture. Nous sommes les garants pour que ces zones soient des productions agroforestières en polyculture, pour que l’environnement lui aussi perçoive un bénéfice de taille.

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Rédaction: César

Directeur Cacao

Publié le 02/10/2023

| Mis à jour le 11/03/2024