Arnaud Causse, Directeur de la Transition, dans sa ferme Las Terrazas del Pisque, Équateur.
"Ce qui nous intéresse, c'est la durabilité" — Arnaud Causse, Directeur de la Transition
Proche de Belco depuis 2006, en tant que fournisseur de café avec ses fermes Las Tolas et Las Terrazas del Pisque, Arnaud a rejoint officiellement Belco à la fin de l'année 2022. Il occupe aujourd'hui le poste de Directeur de la Transition. Quelles sont ses missions ?
Bonjour Arnaud, comment es-tu entré chez Belco ?
Bien avant d’arriver chez Belco, je travaillais sur la caractérisation des cafés de République Dominicaine. Pour m’aider, j’avais besoin de quelqu’un qui connaissait les cafés du Monde. J’ai alors rencontré Nicolas Bellangé, le père d’Alexandre, qui a intégré le panel d'experts convoqué par le projet. C’était un peu avant la création de Belco.
En parallèle, je produisais du café en Équateur, à Las Tolas et puis à Terrazas del Pisque. J’ai été l’un des tout premiers fournisseurs de café de spécialité pour Belco. Une relation client-fournisseur qui continue aujourd’hui. En parallèle, Belco cherchait quelqu’un pour prendre la direction de l’agence au Salvador. Un poste que j’ai occupé quelques mois seulement, avant de passer à la Transition en août 2023.
Alors justement, en quoi consiste la Transition ?
Dans les faits, il s’agit d’accompagner les producteurs vers une caféiculture plus vertueuse.
Comme toute transition, on opère un changement progressif. Ce qui compte, c'est la démarche, pour se rapprocher d’un idéal social et environnemental. L’idée est d’aller vers l’abandon de pratiques néfastes pour l’environnement, pour la société, pour la santé. Et bien sûr, sans qu’il n’y ait d’impact négatif sur la productivité, la qualité, le prix, les coûts et donc, sur les revenus nets des producteurs.
Une transition qui va au-delà des pratiques agricoles ?
Oui, complètement. Car ce qui nous intéresse, c’est la durabilité. Et la durabilité, c’est autant une agriculture régénérative que des conditions favorables de travail et de santé pour les producteurs, leurs collaborateurs, mais aussi les consommateurs. C’est autant la rentabilité que la transmissibilité de la ferme. Ce sujet qui nous interpelle d’ailleurs beaucoup chez Belco, car pour que la transition s’opère, il faut que la production de café continue, avec les nouvelles générations.
Quelle est la plus grande des priorités ?
Dans un premier temps, sur les pratiques agricoles, la priorité est l’arrêt des produits phytosanitaires. Et, le plus simple à arrêter, c’est l’herbicide. En agriculture régénérative, le capital, c’est le sol. Il faut le préserver au maximum.
Les producteurs déjà engagés dans cette voie nous disent que c’est bien plus facile qu’il n’y paraît avec des impacts positifs sur la production. C’est le cas, par exemple, pour Juan José Arévalo Cortez, le propriétaire de la Finca Santa Gertrudis, au Salvador. Là, c’est une transition qui s’enclenche.
On parle beaucoup de l’âge moyen des producteurs. Comment motiver les jeunes générations à se lancer ?
Le plus important, c’est la rentabilité d’une ferme. Il faut assurer des revenus qui permettent au producteur, à sa famille et à ses employés de vivre décemment.
Le prix du café doit couvrir les coûts de production et laisser aux producteurs un revenu supérieur au salaire minimum en milieu rural, dans la zone dans laquelle il vit. Et l'une des missions de la transition, c’est de communiquer le coût d’un café et d’expliquer son prix de vente, en toute transparence.
Est-ce que l’accompagnement des producteurs en post-récolte entre aussi dans ce cadre ?
Oui, car il s’agit là aussi de pouvoir limiter les impacts négatifs des process sur l’environnement. C’est aussi la gestion des déchets et la valorisation des coproduits que sont la cascara, les feuilles, les fleurs et éventuellement le miel de caféier.
Tout cela, sans qu’il n’y ait d’impact sur la qualité. Une mission de la transition peut être de donner aux producteurs la possibilité de faire la première étape du process sur la plantation. Plutôt que d’avoir à faire une grande distance pour apporter les cerises à une station de lavage, sans que la pulpe retourne sur la plantation, pour être valorisée ou servir de compost.
Comment ton pôle a accompagné la ferme La Alpina, vers la production de cafés en process nature ?
C’est un projet à deux volets, sur une ferme qui cochait plusieurs cases d’un bon modèle agricole, avec plusieurs strates d’ombrage, une production en agroforesterie complexe.
D’abord, on a cherché à avoir un produit différenciant, et lui apporter de la valeur, au niveau de la qualité.
La Transition a accompagné le producteur, Cyrille Beraud, face à ses difficultés à avoir de l’eau. Il n’y a pas de source, pas de rivière sur le volcan Chaparrastique, où se trouve La Alpina. Pour puiser l’eau, il faudrait pomper très bas, avec une consommation d’énergie délirante.
Traditionnellement, l’eau était alors récoltée dans d’immenses réservoirs. Transitionner vers un process nature a permis d’avoir un produit différent, en utilisant moins d’eau, et en étant rentable pour la première fois.
Cette plantation nous a servi, d'une certaine façon, de laboratoire. Le partage de connaissances entre les producteurs pour mutualiser leurs connaissances et mettre à profit leurs expériences fait aussi partie de ma stratégie de Transition.
On parle de laboratoire, quand Belco se dote d’une ferme expérimentale, El Olvido. Pourquoi cette ferme ?
Le but de notre ferme, qui se trouve sur les pentes du volcan San Salvador, au Salvador, est de mieux comprendre les coûts de production d’une ferme gérée par une seule personne. On cherche à savoir comment cette personne pourrait dégager un revenu suffisant pour rester sur sa plantation et en vivre.
On va tester différentes pratiques, et mesurer leur impact. Parmi nos premiers sujets, on peut parler de recherches sur la couverture des sols et le choix des essences d’arbres d’ombrage idéales.
Cette ferme a un sol très dégradé par l’emploi d’herbicide, et n’est pas du tout rentable. Depuis notre installation, on a arrêté l’utilisation d’herbicide, et mis en place une pépinière avec plusieurs variétés pour tester leurs qualités organoleptiques, leur résistance à la rouille et leur adaptabilité aux conditions en agroforesterie. Si on réussit à remonter la plantation, on pourra aussi mieux montrer aux producteurs l’intérêt de cette démarche de transition.
À terme, chaque agence Belco aura sa ferme, et chaque parcelle sera spécialisée quant aux réponses à apporter, selon les problématiques prioritaires de chaque région.
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